Fâcheries et engouements

Fâcheries et engouements

dimanche 9 février 2014

Réconciliation

Action de réconcilier des adversaires, des gens fâchés entre eux ; fait de se réconcilier.
 Petit Larousse

- La Réconciliation des Montaigu et des Capulet au-dessus des corps de Roméo et Juliette
Tableau de Lord Frederic Leighton
Capulet et Montaigu
Nous avons vu récemment le ballet Roméo et Juliette avec la musique de Prokoviev (dont la sublime "Danse des Chevaliers" à écouter absolument) et une chorégraphie somme toute assez classique. L'histoire, elle, n'a pas pris une ride : cet amour impossible entre deux jeunes issus de familles ennemies. 
Chacun transposera ce scénario universel en l'appliquant au contexte ou à l'époque qu'il voudra. 
Ce ne sont pas malheureusement les exemples qui nous font défaut.
Le dénouement de la pièce de Shakespeare est tragique comme chacun sait, la haine se faisant plus forte que l'amour, puisque les amants ne se rejoignent que dans la mort. Passons sur les péripéties (Juliette qui n'est pas vraiment morte, Roméo qui la croit morte qui se tue pour la rejoindre et Juliette qui, le voyant mort, se tue à son tour), c'est la scène finale qui m'a bouleversée : les deux pères s'embrassant sur les cadavres de leurs enfants, marquant dans cette étreinte leur capacité à faire la paix. 
Que ne l'auraient-ils pas faite plus tôt ? Il aura fallu quatre morts pour y arriver. Combien dans les tranchées de Verdun ? À Gaza ? Au Rwanda ? L'énumération est sans fin...

France - Allemagne
Non, il ne s'agit pas d'un match de foot, mais de la poignée de main de François Mitterrand et Helmut Kohl, l'un des gestes les plus forts et les plus symboliques de réconciliation du XXe siècle  : celle des peuples  franco-allemands après trois guerres, concrétisée par les mains serrées de ces deux grands hommes d'État, le 22 septembre 1984, à l'entrée de l'ossuaire de Douaumont, haut lieu des commémorations de la Première Guerre mondiale. Il aura fallu 40 ans pour arriver à ce geste symbolique, confirmant la détermination de l'Allemagne et la France à ne plus (jamais ?) revivre les boucheries d'Alsace Moselle, de la Marne, les ghettos, les exterminations... Nous qui étions là en 1984, nous sommes témoins de cet engagement. Chacun d'entre nous en est le garant.

Le Quatrième mur  
Le quatrième mur est l'écran imaginaire qui sépare l'acteur du spectateur. C'est ici le titre du puissant livre de Sorj Chalandon. 
L'écrivain nous emmène au cœur du conflit du Liban en 1982. Georges, un éternel étudiant, militant gauchiste-activiste-pro-palestinien, est amené à remplacer son ami, Sam, metteur en scène,  et à mener à bien le projet de ce dernier qui tombe malade.  
Sam, d'origine juive,  veut monter la pièce Antigone d'Anouilh dans le centre de Beyrouth, avec des acteurs représentant les nationalités et religions du conflit israélo-palestinien : une palestinienne sunnite, un druze, un maronite, un chiite, une catholique... 
Anouilh, lui,  avait présenté son Antigone pour la première fois sous l'Occupation, en 1944, comme un acte de résistance (même si cela a été perçu très diversement).
En arrivant au Liban, Georges pense tout savoir de la guerre, il croit comprendre, il apprend... il n'est plus le même après. 
Le défi semble impossible à relever, tant dans la faisabilité de l'entreprise que dans le tour de force d'arriver à faire communiquer les "acteurs" du conflit : arrêter le temps pour quelques heures durant lesquelles la scène serait le théâtre de la réconciliation, le symbole magnifique d'une paix enfin rendue possible par cet échange, grâce au théâtre.
Mais le quatrième mur est transpercé par la réalité. Le théâtre qui se joue est bel et bien celui du conflit, seule scène qui puisse se jouer.

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