Fâcheries et engouements

Fâcheries et engouements

samedi 14 février 2015

La couleur, une affaire d'apparence ?

J'ai vu passer près du lycée Albert-Camus une jeune femme tout en noir, petit suaire fluide et mouvant, son vêtement ne laissant libre que son visage...

Mon incompréhension

J'ai toujours un pincement au cœur en croisant des femmes voilées, la tête cachée dans un voile sombre, le corps couvert jusqu'aux pieds, les mains parfois emprisonnées dans des gants de coton - pincement encore plus fort s'il s'agit d'enfants.
Alors, je me dis que je ne suis pas tolérante, que je prête une grande importance à l'apparence, sans savoir ce qu'elle recouvre vraiment, que j'attribue au fait de porter cet habit un arsenal d'idées toutes faites, que la femme sous l'habit noir est aussi libre que moi (du moins que j'essaie de l'être), que tout ça n'a pas tant d'importance si on partage les mêmes valeurs...

Un libre choix ?

Donc je me dis que cet accoutrement résulte d'un choix de la femme, qu'en dessous elle est libre en paroles et en actes. Pourtant, j'ai comme un doute. 
Franchement, tout ce noir fait froid dans le dos. Marjane Satrapi le montre dans sa BD et son film Persepolis. Les femmes iraniennes y sont une armée d'ombres, renforcées par le noir de l'encre de Chine, des corbeaux... 
Cela me fait penser aux silhouettes des femmes espagnoles, portugaises ou italiennes de mon enfance. Ce deuil porté sans fin m'impressionnait. Je sentais que cette austérité masquant toute féminité était due aux usages et à la relation de la femme à son "père-mari-grand-père-frère-cousin". Heureusement pour nos voisines européennes, les choses ont changé.  

Quel est le sens ?

Et si ce n'était pas vraiment un choix ? Ce serait alors une obligation qui dépendrait d'une loi religieuse, d'un dogme (c'est ainsi) ou du fait qu'il faut empêcher les hommes d'être tentés ! C'est l'argument invoqué par les imams du film Iranien. La femme, elle, résiste à la "tentation". L'homme pas. C'est pourquoi elle ne doit pas avoir l'affront de le tenter par une jupe un peu courte, une poitrine rebondie, un bras nu ou tout simplement des imprimés bariolés. Il semblerait que cet argument de la tentation soit repris par certaines pour ne pas être importunées, pour passer inaperçues dans leur milieu. Le voile jouerait là un rôle sécurisant. C'est une réponse immédiate, un pis-aller, mais ne résulte pas non plus d'une décision choisie.


Un pas vers la liberté

Le paradoxe qui rassure un peu, c'est que ces mêmes imams reconnaissent que tout ce noir attise les frustrations... Pas complètement clairs les gars en fait. Ils conviennent aussi du fait que les femmes seraient plus maquillées à Téhéran qu'à Paris. Peut-être bien que, sous le voile, la couleur est là, prête à s'offrir dans la maison ou l'intimité, que la féminité n'est pas tout à fait étouffée...
Le travail de Sonia Delaunay, qui expose encore quelques jours au musée d'art moderne, est une jolie réponse à ce questionnement. Dès 1914, l'artiste avait investi la couleur, les formes mouvantes sur ses toiles et sur les tissus. En grande "précurseuse", elle se cousait des vêtements multicolores, y écrivait ou brodait des poèmes. 
Pour elle, la femme devait pouvoir se vêtir à sa guise, pour ne pas être comme tout le monde. Un premier pas vers la libération, à l'époque des corsets. Une autre façon de voir les choses...





1 commentaire:

  1. Très bel article (triste mais vrai) qui dit tout haut ce que beaucoup de gens pensent tout bas... Et bel hommage à Miss Delaunay !

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