Je cherchais une "entrée" pour parler des horribles gâchis de Montauban et de Toulouse au mois de mars, sans rabâcher les mêmes choses lues et entendues partout après ces drames. Tout a été dit.
De la détermination de l'assassin à aller au bout de son plan haineux. De sa transformation ces dernières années. Des interrogations sur le déroulement de l'enquête. Des récupérations politiques. Du sentiment de ne faire qu'un avec tous ceux qui pensent qu'une démocratie doit pouvoir abriter dans la paix ceux qui croient en différents dieux et ceux qui ne croient à aucun.
Mais ce qui reste sans réponse, c'est : comment on en arrive là, à ce bout du bout de la violence et de la haine ?

J'ai pensé alors au magnifique livre de l'Égyptien Alaa al-Aswani, L'immeuble Yacoubian, dans lequel l'un des personnages est rejeté, malgré ses efforts, de l'école de police où il mérite d'entrer, à cause du métier de son père qui n'est pas assez important. Désespéré, il se laisse happer et convaincre par l'extrémisme et finit dans un camp d'entraînement d'une organisation islamique, laissant les siens et sa vie d'avant. Terrifiant.

Le film, La Désintégration, de Philippe Faucon donne une ébauche d'explication. Film à voir, démonstration implacable. Des gens vivent tant bien que mal, à Lille. Les musulmans sont guidés par un imam pacifique et écouté, prêchant le respect de l'autre.
Ali (Rashid Debbouze, le frère de Jamel), jeune en bac pro, plutôt bon, dans une famille avec une mère très humaine (magnifique rôle !) qui pratique l'islam de l'acceptation de l'autre et s'épuise en ménages, un frère et une sœur bien intégrés, un père usé par des années de travail, à l'hôpital. Un quartier, comme tant d'autres, ni plus ni moins.
Là où ça dérape, c'est quand Ali n'arrive pas à trouver de stage. Plus de 100 CV. Rien pour lui. À chaque fois, on l'évince, les places sont toujours pour les autres, plus... blancs, plus français que lui. À côté de la mosquée, lui et deux copains - largués tous les deux - commencent à fréquenter un jeune qui prend le temps de discuter avec eux, de les écouter, puis subrepticement leur parle du Coran, met des mots sur le sentiment de rejet qu'ils éprouvent, les amène peu à peu à tourner le dos à leur vie d'avant. Le "grand frère" a trouvé des cibles idéales, de la matière à manipuler pour semer dans leurs esprits fragiles une haine implacable, à coup de discours extrémistes.
Un travail d'endoctrinement
On n'y croit pas au début. Même le spectateur est pris au piège. Est-ce que ce pourrait être un début de réponse aux drames qui viennent de se passer ? Pas d'excuse pour Merad, non. Mais le discours de la haine prend particulièrement sur un terreau sans repères, fait de déception, de coups durs. Les manipulateurs forts en rhétorique savent que ceux-là seront des serviteurs zélés de leur terrible cause.
Le titre du film est excellent, car il s'agit là vraiment de l'échec de l'intégration, d'une désintégration.
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